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some words :

"Le poète est un archer qui tire dans le noir." - Salah Stétié -
"Soyez un écrivain mineur, cela vous rajeunira." 
Dominique Noguez

"Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur."
 Guillaume Apollinaire

"In a place far away from anyone or anywhere, I drifted off for a moment." -- Haruki Murakami --


"Être poète n'est pas une ambition que j'ai. C'est ma façon à moi d'être seul."   -- Fernando Pessoa --

"Ca va tellement mal aujourd'hui que je vais écrire un poème. Je m'en fiche ; n'importe quel poème, ce poème." -- Richard Brautigan --

"J'écris à cause du feu dans ma tête et de la mort qu'il faut nier."
Jacques Bertin

"O mon passé d'enfance,
pantin qu'on m'a cassé."
Fernando Pessoa


« La mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »
Joseph Brodsky

Certaines choses

Nous entourent « et les voir

Equivaut à se connaître »

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" LA GRANDE FORCE EST LE DESIR "
(Guillaume Apollinaire)



"Quand je dis « je », je désigne par là une chose absolument unique,
à ne pas confondre avec une autre."
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"Le sens trop précis
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" Je ne suis pas moi ni un autre

Je suis quelque chose d’intermédiaire :
Un pilier du pont d’ennui
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-- je vous souhaite un bon passage... --


"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."  Nicolas Bouvier

« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure

" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux


écrivez moi si vous le souhaitez :    

Soyez indulgent, je ne suis qu'un petit écrivaillon tentant d'écrivasser

Mai 2008 : "L'apéritif de la neige"
est "paru"

Si vous êtes intéressé : laissez moi un message
(133 pages de poèmes et textes poétiques, pour la plupart ici sur mon blog)

"Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi." Paul Eluard

"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen

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19 octobre 2013 6 19 /10 /octobre /2013 19:54

Edwards-étrangèreté

 

Je viens d’écouter deux fois l’excellent CD
« L’étrangèreté » de Michael Edwards
CD / à voix haute / Gallimard Collège de France, 2010


J’ai eu la chance d’écouter ce poète et traducteur anglais, qui est maintenant professeur au collège de France, lors de la conférence d’Aix sur la traduction en poésie avec Yves Bonnefoy.

Tout démarre pour le poète par une balade le long du Canal St Martin, il fait très froid, un matin d’hiver et le soleil est très brillant, anormalement, et le poète a alors une sensation de symétrie, de « mise en scène » du monde qui le fait réfléchir…Toute la suite de cette étrangèreté  va faire naître cette conférence sur l’étrange. Un réel un peu différend. Peut-être après tout, seul, le poète peut se rendre compte de cette étrangèreté.

Ici le poète veut parler de l’étrange, de l’étranger et de ce qu’il nomme l’étrangèreté, pour lui l’étrangèreté est une aubaine. Les langues étrangères par exemple sont une part de cette aubaine… C’est réjouissant.

Etrangèreté :
- des lieux
- de la foule
- du moi
- de la langue
- de la poésie
- de l’imaginaire au réel
- importance de l’étranger

Ce sont des mots de poète…
Lorsqu’il parle de l’étrangeté de certains lieux à certains moments, je le comprends car assez régulièrement (mais pas assez à mon goût) je ressens les mêmes effets surprenants ou inquiétants, j’avais tenté de mettre cela noir sur blanc avec cette courte nouvelle : studios. J’eus alors les mêmes impressions d’étrangèreté.

C’est ainsi que le familier peut devenir étrange, et très souvent c’est le très ordinaire (le très quotidien) qui deviendra étrange, c’est le regard du poète et sa force imaginative qui révèlera cet étrange. C’est une inquiétude jubilatoire.

« Etre un étranger dans une langue étrangère est une aubaine. Au Moyen Age, si un étranger mourait sur le territoire d’un seigneur français, tous ses biens revenaient au seigneur comme une « aubaine » - d’où notre expression actuelle – parce que le mot « aubain » signifiait à l’époque « l’étranger ». »    M. Edwards

« Une langue étrangère est un grand poème qui transforme l’univers. » M. Edwards

But de la poésie = rendre d’abord étrange le langage et rendre étrange le réel (le monde).
Un poème : on ajoute tout un monde.



Le poète est le maître
La poésie existe pour « étranger » le monde.
L’imagination est nécessaire pour comprendre le monde, elle transforme ce que nous voyons, c’est nécessaire, ce n’est pas angoissant… L’imagination et non la raison… L’imagination transitive…

L’étranger est une idée salutaire ! C’est l’autre dont nous avons besoin.
« Restons étrangers pour mieux nous comprendre. » M. Edwards
« Mon dissemblable, mon frère. » (Baudelaire)

Le moi est aussi étrange… Chercher l’étranger en soi, l’autre …
Cela est visible souvent dans les œuvres littéraires, « Je est un autre » réellement (intuition extraordinaire du jeune Rimbaud !)
C’est moi et pas moi en même temps : un éloignement ?
Il faut découvrir l’étranger que l’on doit devenir, en s’imprégnant de l’étrangeté du monde. Devenir ce que l’on observe… (pas de mysticisme là dedans…), le moi disparaît, mais ne devient pas un vide, il s’enrichit au contact des choses du monde…

Il faut apprendre à se dire « tu ». Telle sera la conclusion de ce très intéressant CD.

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 17:17

    En classant mes livres de Kenneth White, voilà que je feuillette « La maison des marées » (Albin Michel), petit livre simple et tout en émotions sur la Bretagne où Kenneth vit une partie de son temps maintenant.
    Il nous parle de « catou » nom donné par sa femme à un chat venu s’installer chez eux  ; Kenneth White dit : « pendant longtemps je n’ai pas su ce que pouvait apporter la présence d’un chat… » Il se souvient de quelques chats littéraires : l’histoire du chat qui s’en va tout seul de Kipling, je suis un chat de Sôseki et « Rroû » de Maurice Genevoix … Ce chat « est en contact avec le vrai monde » et c’est ce qui intéresse le poète. Il sera comme beaucoup déjà contaminé…
           


Et voilà que je lis en ce moment l’extraordinaire abécédaire ("ce désir toujours", 2005) de Denise Desautels – une très grande poétesse québécoise contemporaine.
Son livre est charmant, remarquable. En particulier son chapitre sur l’écriture. Mais voilà que pour « C » elle a choisi le chat et elle commence ainsi : " « les chats » le poème de Baudelaire est longtemps resté clos sous mes yeux, ne m’a pas concernée, m’a même ennuyée. Longtemps ni la réalité ni l’appellation « chat » n’ont eu d’existence pour moi…"

Et voilà qu’un jour une boule gris fer s’installe chez elle…
« Une seule boule gris fer, et vlan, la femme indisponible au réel en voit enfin la figure, autre chose qu’un contour, en prend la mesure exacte, l’éprouve ce réel, plaisir authentique, indispensable – insignifiant devant la barbarie, il faut en convenir, et cependant irremplaçable.
    Depuis je n’écris plus de la même manière. »

Je n’oublie pas non plus « une vie de chat » d’Yves Navarre écrit en 1986, 8 ans avant son suicide à 54 ans.
Une vie de chat – livre d’une tristesse infinie – raconte l’amitié et l’amour d’un homme pour son chat. Le chat est le narrateur. Ce chat tué par un chasseur rendra Navarre (car ce livre est une autobiographie) dépressif à l’extrême. Seule solution : il vendra sa maison, car sinon la nostalgie et la mélancolie étaient trop fortes et vivre dans cette maison sans ce chat devenait intolérable.

    Je n'oublie pas non plus un de mes écrivains préférés du moment Haruki Murakami, il y a des chats dans quasi tous ses livres.

    Le chat , l’ami donc des écrivains, j’en ai 5, mathématiquement je dois être un bien bel écrivain. ;-) . Bonjour chez vous.

dessin de chat volé à l'amie cocole : son site.
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25 juillet 2012 3 25 /07 /juillet /2012 19:51


        Georges Courteline ( C'est en 1881 que Georges Moinaux décide de prendre un pseudonyme. Son choix se porte sur 'Courteline', nom du moineau dans 'Le roman de Renard') est tourangeau, comme moi (bref : un bon gars, :-)). Personnage très en avance sur son temps : fainéant et moitié anarchiste, son père peinait pour lui trouver une place dont il n’était pas renvoyé rapidement.
    Il l’obligea alors à « en prendre pour 5 ans », c’est-à-dire à s’engager dans l’armée. Il lui faudra 14 mois à jouer les fous pour être enfin réformé ! (une sacrée réussite à l’époque !). Son père le fit alors entrer au ministère des Cultes, il trouva le stratagème de payer un collègue à lui pour faire son travail et ce durant 14 ans !
    Un jour, par hasard, on lui demande de boucher un petit trou dans un journal, il ressort une petite saynète qu’il avait rédigée à l’armée : son succès est fait ! Devant tant d’humour et d’invention, tout le monde en redemande ! Bon vivant, grand farceur, il se moquait fort bien du monde petit-bourgeois auquel il n’a jamais voulu appartenir. Quand il eut des petits enfants, il était interdit de dire « Grand-père », mais « Tonton, mon vieux ! ».

        Courteline devient célèbre et les journalistes ne cessent de chercher à l’interviewer, ce qui l’ennuie prodigieusement.  Il fait alors rédiger cet avis :


CABINET DE GEORGES COURTELINE
CENTRALISATION DES INTERVIEWS


Monsieur et cher Confrère,
En réponse à votre lettre du… par laquelle vous voulez bien me demander mon avis à propos de…
J’ai l’honneur de vous informer que je m’en fous complètement.
Dans l’espoir que la présente vous trouvera de même, je vous prie d’agréer, Monsieur et cher Confrère, l’assurance de mes sentiments les plus dévoués.

Pour M. Georges Courteline
Le centralisateur général



    Un extrait de ses pensées et maximes :

- S’il fallait tolérer aux autres tout ce qu’on se permet à soi-même, la vie ne serait plus tenable !
- L’alcool tue lentement. Nous, on s’en fout, on n’est pas pressés !
- Passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet.
- Il y a deux sortes de mariage, le mariage blanc et le mariage multicolore. Ce dernier est ainsi appelé parce que chacun des deux conjoints en voit de toutes les couleurs.
- Les femmes sont tellement menteuses qu’on ne peut même pas croire le contraire de ce qu’elles disent.

- Il ne faut jamais gifler un sourd. Il perd la moitié du plaisir. Il sent la gifle mais il ne l'entend pas.

Mieux vaut boire trop de bon vin qu'un petit peu de mauvais.
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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 22:19

le-reve-de-l'homme-lucide

 

 

J’aurais donc loupé ma vie. Moi aussi.

Outre le fait que dans l’année de mes cinquante-cinq ans, je ne possède toujours pas de Rolex, la lecture du dernier livre de Philippe Ségur « Le rêve de l’homme lucide » a remis les points sur les « i » de cette chose bizarre qu’est la vie et la construction-déconstruction de sa propre vie. Je veux parler de sa vie interne, de son langage intérieur, de son moi profond et non pas de soi aux yeux des autres. Ni de la vie sociale ou sociétale, mais bien de la face interne de soi-même.

Lui quitte sa famille, mais outre son métier d’universitaire, il lui reste ses dons d’écrivain (même si, ici aussi il y a double lecture du personnage) ; quant à moi que me resterait-il ? Mes aptitudes de mauvais poète ? Si l’on retire le métier « officiel », il doit rester une (ou plus encore) passion nourricière ; sinon la vie n’est plus ludique, mais vide immense.

Lisons ce qu’écrit Simon Perse le personnage autobiographique du dernier roman de Philippe Ségur :

« Dans un instant, j’aurai la parole. Moi aussi je montrerai que je sais m’emmerder avec des problèmes sans valeur et sans joie, et emmerder les autres en les leur expliquant et combien il est important de bien s’emmerder dans la vie pour la sentir passer. Car, au-delà d’un certain âge, celui des grandes découvertes, de l’entrée dans la vie professionnelle, du mariage, de l’achat de la maison, de la naissance des enfants, des deux trois collections qu’autorise le début d’aisance financière, c’est la grande leçon à tirer de l’existence, qu’elle fasse de vous une huître de téléviseur, une béquille de caddie ou une extension de votre téléphone portable, qu’elle est fondamentalement emmerdante et qu’à défaut de pouvoir demeurer un joyeux gamin irresponsable qui s’esclaffe deux cents fois par jour, il est indispensable d’avoir quelque chose à quoi s’accrocher, une télécommande, une barre de chariot, une coque de téléphone, pour vous donner à l’extérieur l’illusion que quelque  chose en vous bouge encore. »

Qu’y voyons-nous ? A part nous-mêmes ? Comme un large miroir sans complaisance. Dans cette société de consommation et de solitude extrême. La consommation comme seul exutoire, comme seule destination de voyage. Hagard, le consommateur arpente sa vie à la recherche d’une nouvelle de chaussures exotique ou d’un chandail qui fleurerait bon les embruns un caddie à la main. C’est « sa » sortie de la semaine, et cela le « détend ». Une illusion de vie. « On va le dimanche se balader dans les magasins de Plan de Campagne. » disent les enfants de Marseille Nord  à leurs professeurs des écoles, médusés.

Dans l’idéalisation, on se balade, notre cerveau en connivence. Pour être heureux et vivant, en tant que mâle, j’idéalise le corps des femmes (Philippe Ségur fait de même), l’importance de la littérature, la recherche d’autrui comme ami. In fine, je me retrouve comme une huître retirée du ruisseau. Plein d’idées en tête, mais aucune réalisation tangible, « sérieuse ».

Tel le Dr Zennegger, on me dira : « c’est quoi une réalisation « tangible » ou « sérieuse »? Comme Simon Perse, j’hésiterai à répondre. Les mots sont trop forts, on peut s’y perdre.

Pourtant chacun a conscience de cette non-vie ; mais l’accepter provoquerait suicides collectifs ou révolutions stériles, sans finalité. Un gain sans doute, mais une énergie très fatigante, voire même – allons soyons fou ! – ennuyeuse.

Bref la lecture du dernier livre de Philippe Ségur n’est pas sans risque ; la précédente où il relatait un voyage en Albanie ne l’était pas non plus, car derrière un humour ravageur, se cachait notre désespoir à tous, celui d’être seul et inutile et « entre autres » qui plus est. Même en voyageant, même en se déplaçant loin, à la fois dans son espace intérieur et dans le vide du monde étrange. Philippe Ségur continue son imaginaire et ses mondes parallèles ; le monde réel est toujours plus soft et moins dangereux que les mondes d’à côté. Mais ces derniers existent forcément, et notre humanité nous donne envie de les rechercher, et les découvrir, voire les aimer et les désirer… Bravo, l’écrivain !

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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 17:22

Pierre-Dumayet

   je ne parlerai pas ici du grand journaliste, du grand interwieveur, ni de l'homme de la télévision, ni de l'intellectuel

il fut cependant l'un de mes maîtres et je dis cela très sérieusement

 

je veux juste ici dire l'étonnement

que j'ai eu en découvrant Pierre Dumayet "écrivain"

ces 5 petits livres à couverture jaune (VERDIER Editions : qu'ils en soient remerciés !!) ont été pour moi une révélation, ainsi on pouvait écrire des romans "surréalistes" et tant d'autres caractères, l'humour, la distance, les allusions littéraires, la beauté des phrases...l'intelligence tout simplement !

"Brossard et moi" fut tel qu'un moment j'offrais ce livre à tous mes amis préférés ; beaucoup soit ne l'aimèrent pas (y trouvant un exercise de style excessif), soit n'arrivèrent pas à le lire en totalité - pour moi, ceci fut incompréhensible ! Et pour cause : "Brossard et moi" fut EXACTEMENT le livre que j'aurais aimé écrire à un moment de ma vie !

Il fut d'ailleurs le premier livre que je mis dans ma section "livres coup de coeur" !

Bien peu de livres ont eu cet effet sur moi ; on pourrait citer les livres d'Emile Ajar, un bonheur parfait de James Salter, soie de Baricco et certaines nouvelles de Carver (et sans doute d'autres que j'oublie) ; bien peu somme toutes, vu le nombre de livres que je parcours...

Un immense pan nouveau restait donc à decouvrir

une nouvelle écriture, de nouveaux chants et champs

merci à lui !

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26 février 2011 6 26 /02 /février /2011 20:49

 " N'avez-vous point vu quelquefois l'opéra en Italie ? Dans les changements de scènes il règne sur ces grands théâtres un désordre désagréable et qui dure assez longtemps ; toutes les décorations sont entremêlées : on voit de toutes parts un tiraillement qui fait peine, on croit que tout va renverser : cependant, peu à peu tout s'arrange, rien ne manque, et l'on est tout surpris de voir succéder à ce long tumulte un spectacle ravissant. Cette manœuvre est à peu près celle qui se fait dans mon cerveau quand je veux écrire. Si j'avais su premièrement attendre, et puis rendre dans leur beauté les choses qui s'y sont ainsi peintes, peu d'auteurs m'auraient surpassé.

  De là vient l'extrême difficulté que je trouve à écrire. Mes manuscrits, raturés, barbouillés, mêlés, indéchiffrables, attestent la peine qu'ils m'ont coûtée. Il n'y en a pas un qu'il ne m'ait fallu transcrire quatre ou cinq fois avant de le donner à la presse. Je n'ai jamais pu rien faire la plume à la main vis-à-vis d'une table et de mon papier : c'est à la promenade, au milieu des rochers et des bois, c'est la nuit dans mon lit, et durant mes insomnies, que j'écris dans mon cerveau ; l'on peut juger avec quelle lenteur, surtout pour un homme absolument dépourvu de mémoire verbale, et qui de la vie n'a pu retenir six vers par cœur. Il y a telle de mes périodes que j'ai tournée et retournée cinq ou six nuits dans ma tête avant qu'elle fût en état d'être mise sur le papier. De là vient encore que je réussis mieux aux ouvrages qui demandent du travail qu'à ceux qui veulent être faits avec une certaine légèreté, comme les lettres, genre dont je n'ai jamais pu prendre le ton, et dont l'occupation me met au supplice. Je n'écris point de lettres sur les moindres sujets qui ne me coûtent des heures de fatigue, ou, si je veux écrire de suite ce qui me vient, je ne sais ni commencer ni finir ; ma lettre est un long et confus verbiage ; à peine m'entend-on quand on la lit."


Jean-Jacques Rousseau
Les Confessions
Livre I

rousseau

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1 août 2010 7 01 /08 /août /2010 07:03



    Ambrose Pierce est né en 1842 (1842-1913) au sein d’une famille miséreuse et puritaine américaine, il était le 10ième enfant d’une fratrie de 13. Il fit la guerre de sécession parmi les nordistes.
    Le général Sherman donna l’ordre un jour d’attaquer sous les mitrailleuses sudistes, résultat plus de 25000 morts ! Pierce s’en réchappa et quitta l’armée, capitaine, blessé à la tête, à l’âge de 23 ans.
    Sa vie ne devait être ensuite qu’une succession d’échecs et d’erreurs … Et pourtant, il devint l’un des éditorialistes les plus célèbres et les mieux payés (en particulier par le richissime W.R. Hearst, celui dont Orson Wells s’inspira pour « Citizen Kane »). Il possédait un humour féroce et était craint (son surnom : bitter Bierce, Bierce l’amer).     Il restait pessimiste et noir, ce qui fut mal compris en 1910. Son œuvre maitresse reste : le dictionnaire du Diable avec ses 998 définitions, préfacé par Cocteau en 1955, en voici certaines :

- bonheur : agréable sensation qui naît de la contemplation de la misère d’autrui.
- égoïste : dénué de respect pour l’égoïsme des autres
- félicitations : politesse de la jalousie
- aider : faire un ingrat
- politesse : la plus acceptable des hypocrisies
- rire : convulsion interne, produisant une déformation des traits et accompagné de bruits inarticulés

    Vous connaissez sans doute cet auteur sans le savoir, c’est lui qui écrivit « la rivière du hibou » (« Ce qui se passa sur le pont de Owl Creek »), Robert Enrico en fit un bien beau court métrage en noir et blanc (1962) dont on garde à l’esprit la chute brutale.



    C’est un auteur qui pratique humour noir acerbe et désespoir sombre, vous pourrez aussi le découvrir dans l’excellent «  le club des parenticides » ou « Ce qui se passa sur le pont de Owl Creek et autres nouvelles » (Libretti à 1.50 €). Ce dernier livre est un fantastique plaidoyer contre l’imbécillité de la guerre et ses horreurs : « le coup de grâce » et « Chickamauga » (en indien : « la rivière de la mort ») ne laissent pas indifférents !!
    « L’humour noir, c’est la politesse du désespoir » disait Boris Vian.

    La mort de Bierce demeure aussi un mystère, en 1913 il décide de partir  en Amérique du Sud (à 71 ans !), à la rencontre des armées de Pancho Villa qu’il veut rejoindre, on perd sa trace à ce moment ; pour beaucoup cette fuite mexicaine sonnait comme un suicide caché. « être un gringo à Mexico, c’est comme l’euthanasie » écrivit-il dans une de ses toutes dernières lettres.
Bonne lecture.

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15 avril 2010 4 15 /04 /avril /2010 18:12

hotel-univers.

 

photographie issue d'un paquet acheté par deux libraires malins / l'ensemble portait le nom "Hotel Univers" / or c'est le nom de l'hôtel à Aden où Rimbaud descendait. Les photos sont datées entre 1880 et 1890.

 

L'ensemble des photos est acheté : une sort du lot, le deuxième personnage à droite pourrait être Rimbaud ; vérification faite par des spécialistes (tel Jean Jacques Lefrère), il s'agit quasi à coup sûr du poète !

Si on avait été le premier Avril, j'aurais cru à un canular, oui mais voilà aujourd'hui dans le Figaro Littéraire et dans l'Express, les libraires Alban Caussé et Jacques Desse racontent leur intuition de génie... Les photographies auraient appartenu à Jules Suel, négociant à Aden qui finança les ventes d'armes de Rimbaud.


On connait maintenant 5 photographies du poète ; sur cette dernière le visage est moins hâve que les autres, les cheveux moins gris, nul doute qu'elle est sans doute plus ancienne que les autres... Rimbaud ne semble pas malade ou amaigri.


Rimbaud fixe le photographe avec un regard à la fois intéressé et plein d'ennui ; le visage se voit bien ; quelle belle trouvaille ! Bravo aux chercheurs curieux et gloire à eux ! (le dernier cliché du poète vendu en 2007 s'était adjugé 75.000 €)

 

Rimbaud-photo

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15 mars 2010 1 15 /03 /mars /2010 08:56
Attention : chef d'oeuvre !



« Le Hibou et la Baleine »
date de 1992-1993. film de Patricia PLATTNER.

Sur l'écrivain, photographe et voyageur
Nicolas BOUVIER.



« pour parrain et marraine,
le hibou et la baleine ».



« si tu n'es pas toi-même, qui pourrait l'être à ta place ? »
Thoreau.



Il y parle de la présence aux choses

Du travail pour trouver le mot juste
Qu'il ne faut pas craindre l'échec
Qu'il peut être important d'avoir « un port d'attache »
De la découverte, enfant, des beautés des cartes de géographie et du ravissement à les parcourir avec le doigt « comme des polars »
Que l'espace est sa drogue, cette immensité qui le rendra « saoûl de bonheur »
Le déplacement géographique c'était son écriture
Et la liberté de son espace, sa liberté intérieure
On peut voyager seul, avec un ami, ou en famille, mais voyager est le seul moyen pour rapporter des « scories », des « gri-gri ».
La route est le défilement heureux ; chaque événement dictera la forme littéraire
Et tout cela 20 ans avant Kerouac !



On apprend qu'il écrit debout en fixant des feuilles aux murs « à la main »
On y apprend qu'il est gaucher et qu'il aime écrire avec un feutre
(on a l'impression qu'il appuie trop fort sur son crayon, j'ai l'impression que le bruit que fait le feutre frotté sur le papier participe au bonheur de l'écriture ?) il a une écriture déjantée, je la trouve cunéiforme

Qu'il recopiait des poèmes pour les mémoriser, une « magie blanche »
(« l'exercice de la main est salubre »)
Tous les livres importants nous aident à régler notre mort et donnent aussi le courage nécessaire pour continuer, le livre c'est la multi-vitamine
Cela permet de relativiser les problèmes, certaines lectures « choc » comme « l'arrangement » d'Elia Kazan ...
Il serait donc possible de « vivre autrement ? »

Aimer les mots (j'avais écrit « morts » : lapsus calami ?) comme des personnages ?
« les mots pèsent le bon poids »
le plus important ne peut pas être dit par les mots, on est vaincu par les mots, mais on peut souvent le dire en musique...
Tomber amoureux ? « monter » amoureux serait plus juste
La musique était la seconde moitié de sa vie
Que l 'humour est essentiel : Kurdes et Beloutchs aimaient rire, il y restera plusieurs mois...
« mourir de rire » « idéalement avec une dame » ..
la géographie inépuisable du corps aimé

proverbe beloutch : « naître, errer, mourir, pourrir, être oublié. »
le génie des lieux ! = donner au lieu le temps qu'il mérite (c'est à dire : beaucoup de temps)
l'homme est grotesque
rires et larmes sont cousins (très belle anecdote à ce sujet sur la mort brutale de son père).
Etre omnivore et attentif
La mort c'est le sceau qui ferme la lettre, à qui est-elle adressée ?
Mort et temps / le suicide ? oui, mais ...
On doit TOUT à tout le monde : « un homme sans dettes est un homme suspect ».
La passion des iconographies , des planches anatomiques, l'image qui fut le métier « officiel » de Bouvier (« l'image m'a cultivé autant que les livres »)
Il faut être témoin, par l'écriture, par l'image, ne pas porter de jugement
Le bruit est horreur, le silence magnifique
Il fut distrait et rêveur
RIRE ( !) alors que triste de nature, le rire est essentiel, il a facilement les larmes aux yeux
L'amour de la poésie : Michaux, Holan ...
il faut le voir lire un poème de Michaux, il a la conviction d'un adolescent découvrant la poésie ; et puis sa voix, oh ! sa voix, belle dans les volutes d'une cigarette toujours présente...
le livre de Michaux éculé, est là présent à lui et en nous...

Nicolas Bouvier est mort à Genève en 2003, il allait avoir 63 ans.

film exceptionnel sur un écrivain et un homme d'exception



    "C'est grâce à Holan, autant qu'à Michaux, que j'ai compris que certaines visites que la vie nous rend sont si mystérieuses qu'elles doivent prendre la forme d'un poème, que la prose la plus éclatante ne rendrait justice ni à leur transparence ni à leur opacité qui sont forcément voisines puisque nous ne comprenons pas la transparence mais pouvons seulement la flairer comme un limier flaire un gibier dont il sait qu'il n'est pas pour lui. Ce sont eux qui m'ont, sur le tard, conduit à écrire des poèmes, non par ambition littéraire, mais pour survivre et mieux vivre, sachant, à travers eux, que la poésie est le seul antidote contre la solitude et la mort."
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19 février 2009 4 19 /02 /février /2009 02:29
    « A l’époque, j’étais un type poursuivi par la nostalgie. Je l’avais été depuis toujours et je ne savais pas comment me débarrasser de mes souvenirs pour vivre enfin tranquillement.
Je n’ai pas encore appris. Et je doute que j’apprenne un jour. Mais j’ai compris au moins une chose : on ne peut pas se débarrasser de la nostalgie, parce ce qu’on ne peut pas se débarrasser de la mémoire. On ne peut pas tirer un trait sur ce que l’on a aimé, c’est impossible. Ca vous reste à jamais ; vous désirez sans cesse revivre les bons moments, tout comme oublier et détruite le souvenir des mauvais. Effacer les saletés que vous avez commises, abolir la mémoire des personnes qui vous ont fait du mal, rejeter les chagrins et les périodes de tristesse.
    La nostalgie fait donc totalement partie de la condition humaine et la seule solution est d’apprendre  à vivre avec. Et peut-être, par chance, cessera-t-elle d’être quelque chose de triste et de déprimant pour devenir une petite étincelle qui nous fait redémarrer, nous pousse à nous consacrer à un nouvel amour, à une nouvelle ville, à une nouvelle époque. Meilleurs ou pires, on n’en sait rien et peu importe. Différents, c’est sûr. Et c’est ça que nous cherchons tous, jour après jour : ne pas gaspiller notre vie dans la solitude, rencontrer quelqu’un, nous engager un peu, fuir la routine, goûter notre petite part de fête. »

Pedro Juan Gutiérrez
(in la trilogie sale de La Havane)

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25 décembre 2008 4 25 /12 /décembre /2008 16:57
Raymond Carver : un nouvelliste d’exception !



    Raymond Carver est né en 1938 dans l’Oregon. Il est mort à cinquante ans, d’un cancer pulmonaire. Il aura écrit autant de recueils de poésies que de nouvelles ; il est surtout connu pour ses nouvelles, l’insuccès relatif de sa poésie vient de l’importance qu’y tiennent les évènements de sa vie, beaucoup, beaucoup d’autobiographies dans ces poèmes-là ; ce qui a fait dire à un de mes amis – adorant les nouvelles, mais n’aimant pas les poèmes – « on a l’impression de se trouver devant un mur vide ». On pourra s’amuser à lire des poèmes et des nouvelles qui sont leur propre reflet, comme le poème « la mère » (publié dans Ultramarine – traduit par l’insensé « la vitesse foudroyante du passé ») et la nouvelle « cartons » in les trois roses jaunes ; la comparaison est intéressante. Il y a plein d’autres correspondances pour ceux qui chercheraient. J’aime la poésie de Carver même si son apparente simplicité peut paraître parfois un peu futile ou malvenue, mais les nouvelles, les nouvelles sont de purs moments de bonheur. Une nouvelle de Carver (« c’est pas grand chose, mais ça fait du bien ») a même réussi (et je crois que ce fut la seule fois) à me faire venir les larmes aux yeux à la fin de la lecture.



    Cet homme parle de vies ordinaires, de pauvres gens, de destins ratés. Ses personnages ont souvent du mal à survivre, à vivre, englués dans leurs problèmes de communications, d’argent, de recherche de travail, chômage et problèmes relationnels. Un peu la vie de Raymond Carver, qui, marié et père trop jeune, galéra longtemps de petits boulots en petits boulots, de petits verres en petits verres.  Il y a souvent une infinie tristesse, mais aussi une puissante et incroyable envie de vivre, de s’en sortir. Raymond Carver trouvera en la personne de Tess Gallagher, à la fin de sa vie, une femme lui redonnant courage et espoir, il arrêtera de boire. Il classera ses affaires, parlera de projets, écrira un scénario pour M. Cimino. Malheureusement le cancer le rattrapera. Juste au moment où le succès pointait le bout de son nez.

    Les nouvelles de Carver sont en fait très classiques, même si on a parlé de minimalisme. Les phrases sont épurées, on va vite à l’essentiel, les descriptions sont raccourcies. L’impression d’appartenir au monde humain surgit toujours et de manière profonde, grave dans ce grand humanisme, celui de chercher à vivre malgré l’alcoolisme, les mensonges, les difficultés des rapports homme-femme, les difficultés matérielles. Il y a un rejet de l’abstraction, un large ancrage dans le « vrai » monde. Les nouvelles de Carver nous touchent parce qu’elles parlent de nous, de nous-mêmes. On ne se sent pas étranger dans ce monde profondément humain.
    « C’est le réel qui est traité comme fiction, comme s’il nécessitait ce suspens, et qui devient donc irréel. » Claudine Verley.

    Je vous conseille tous les livres de Raymond Carver. Si vous voulez lire celui que je considère comme le meilleur, alors c’est le dernier (paru après sa mort) : « Qu’est-ce que vous voulez voir ? » 2000.


   
    En poésie j’avais beaucoup aimé aux éditions L’incertain «  Là où les eaux se mêlent ».

    Un très intéressante biographie parue récemment donne une idée du personnage : « Parlez-moi de Carver » par Philippe Romon. Cette biographie fit un peu « scandale » dans la mesure où son auteur dénigrait un peu l’influence de Tess Gallagher, de même pour lui l’influence de Maryann (la première femme de Craver) ainsi que son premier éditeur Gordon Lish avaient été prépondérantes. Peu importe / on attend la biographie de Tess pour se faire une idée des deux côtés du miroir.



    Robert Altman a magnifiquement bousillé « 9 histoires et un poème » en réalisant « Short cuts », 10 petites histoires qui se mélangent à partir des nouvelles de Carver. C’est bien – pour moi – ce mélange des histoires qui a détruit profondément toutes les subtilités et les fragilités du nouvelliste. Bien piètre et triste résultat, même si tout n'est pas mauvais dans ce film.

   












Enfin, récemment : traduction du magnifique bouquin « Carver country » (the world of Raymond Carver), petits textes de Carver (beaucoup de poèmes) et photographies de Bob Adelman, sous le titre « le monde de Raymond Carver » pour les aficionados dont je fais partie.

   





Raymond Carver : un des très grands de la nouvelle, à côté de Maupassant et de Tchekhov.


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19 juillet 2008 6 19 /07 /juillet /2008 00:19
Lire, feuilleter, de temps en temps "Citadelle" est une vraie expérience, tout n'est pas bon dans ce livre publié après la mort de son auteur, un peu trop de paternalisme à mon sens entre autres ; mais la magie de l'écriture, les méditations de l'auteur du petit prince, cette société qu'il voulait inventer ? ce désert omniprésent, ce puissant humanisme.
Les pages à venir m'ont toujours intrigué, tant sur le texte, que sur l'usage que fait Saint-Exupéry de la ponctuation. De la prose bien sûr, mais c'est un texte à lire à haute voix, comme la meilleure des poésies.


Extrait de "Citadelle" :


   










    Certes, j’ai moi aussi éprouvé, au cours de ma vie, la colère, l’amertume, la haine et la soif de vengeance. Au crépuscule des batailles perdues, comme des rebellions, chaque fois que je me suis découvert impuissant, et comme enfermé en moi-même, faute de pouvoir agir, selon ma volonté, sur mes troupes en vrac que ma parole n’atteignait plus, sur mes généraux séditieux qui s’inventaient des empereurs, sur les prophètes déments qui nouaient des grappes de fidèles en poings aveugles, j’ai connu alors la tentation de l’homme de colère.


    Mais tu veux corriger le passé. Tu inventes trop tard la décision heureuse. Tu recommences le pas qui t’eût sauvé, mais participe, puisque l’heure en est révolue, de la pourriture du rêve. Et certes, il est un général qui t’a conseillé selon ses calculs d’attaquer à l’ouest ; tu réinventes l’histoire. Tu escamotes le donneur de conseils. Tu attaques au nord. Autant chercher à t’ouvrir une route en soufflant contre le granit d’une montagne.
« Ah ! te dis-tu dans la corruption de ton songe, si tel n’avait point agi, si tel n’avait point parlé, si tel n’avait point dormi, si tel n’avait point cru ou refusé de croire, si tel avait été présent, si tel s’était trouvé ailleurs, alors je serais vainqueur ! »

    Mais ils te narguent d’être impossibles à les effacer, comme la tache de sang du remords. Et te vient le désir de les broyer dans les supplices, pour t’en défaire. Mais empilerais-tu sur eux toutes les meules de l’empire que tu n’empêcherais point qu’ils aient été.
    Faible es-tu, de même que lâche, si tu cours ainsi dans la vie à la poursuite de responsables, réinventant un passé révolu dans la pourriture de ton rêve. Et il se trouve que tu livreras, d’épuration en épuration, ton peuple entier au fossoyeur.

    (…) Car il n’est point de réfractaire. Il n’est point d’individu seul. Il n’est point d’homme qui se retranche véritablement. Plus naïfs sont ceux-là que les fabricants de mirlitonneries qui te mélangent, sous prétexte de poésie l’amour, le clair de lune, l’automne, les soupirs et la brise.
    « Je suis ombre, dit ton ombre, et je méprise la lumière. » Mais elle en vit.
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6 juillet 2008 7 06 /07 /juillet /2008 10:03
Le fantasme, pas le rêve

Rêver (bien ou mal) est insipide (quel ennui que celui des récits de rêve ). En revanche, le fantasme aide à passer n'importe quel temps de veille ou d'insomnie ; c'est un petit roman de poche que l'on transporte toujours avec soi et que l'on peut ouvrir partout sans que personne y voie rien, dans le train, au café, en attendant un rendez-vous. Le rêve me déplait parce que on y est tout entier absorbé : le rêve est monologique ; et le fantasme me plait parce qu'il reste concomitant à la conscience de la réalité (celle du lieu où je suis) ; ainsi se crée un espace double, déboité, échelonné, au sein duquel une voix (je ne saurais jamais dire laquelle, celle du café ou celle de la fable intérieure), comme dans la marche d'une fugue, se met en position d'indirect : quelque chose se tresse, c'est, sans plume ni papier, un début d'écriture.

/ Roland Barthes

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2 décembre 2007 7 02 /12 /décembre /2007 19:32
        Mes amis me reprochent souvent d'être trop pessimiste, dépressif, mélancolique. De parler trop souvent de taedium vitae. Spleen et mélancolie furent chantés par Baudelaire et Nerval ... et tant d'autres, artistes, poètes, écrivains, scientifiques...  Actuellement deux chercheurs de Stanford en Californie Connie Strong et Terence Ketter viennent de démontrer l'étroite corrélation qui existe entre les troubles bipolaires (alternance de phases de dépression et d'euphorie excessive) et la créativité littéraire, scientifique ou artistique. Faut-il donc avoir des hauts et des bas pour être créatif ?
        En parlant de mélancolie, on pense bien sûr à Chateaubriand, auteur de textes fondateurs tels celui-ci. Vive le romantisme et les romantiques !
Théophile Gautier dira de Chateaubriand qu'il a inventé la "mélancolie moderne".


    « La solitude absolue, le spectacle de la nature, me plongèrent bientôt dans un état presque impossible à décrire. Sans parents, sans amis, pour ainsi dire seul sur la terre, n'ayant point encore aimé, j'étais accablé d'une surabondance de vie. Quelquefois je rougissais subitement, et je sentais couler dans mon coeur comme des ruisseaux d'une lave ardente; quelquefois je poussais des cris involontaires, et la nuit était également troublée de mes songes et de mes veilles. II me manquait quelque chose pour remplir l'abîme de mon existence: je descendais dans la vallée, je m'élevais sur la montagne, appelant de toute la force de mes désirs l'idéal objet d'une flamme future; je l'embrassais dans les vents; je croyais l'entendre dans les gémissements du fleuve; tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans les cieux, et le principe même de vie dans l'univers.Toutefois cet état de calme et de trouble, d'indigence et de richesse, n'était pas sans quelques charmes. Un jour je m'étais amusé à effeuiller une branche de saule sur un ruisseau, et à attacher une idée à chaque feuille que le courant entraînait. Un roi qui craint de perdre sa couronne par une révolution subite, ne ressent pas des angoisses plus vives que les miennes, à chaque accident qui menaçait les débris de mon rameau. Ô faiblesse des mortels! Ô enfance du coeur humain qui ne vieillit jamais! Voilà donc à quel degré de puérilité notre superbe raison peut descendre! Et encore est-il vrai que bien des hommes attachent leur destinée à des choses d'aussi peu de valeur que mes feuilles de saule.Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives, que j'éprouvais dans mes promenades? Les sons que rendent les passions dans le vide d'un coeur solitaire, ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre dans le silence d'un désert: on en jouit, mais on ne peut les peindre.L'automne me surprit au milieu de ces incertitudes: j'entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. Tantôt j'aurais voulu être un de ces guerriers errant au milieu des vents, des nuages et des fantômes; tantôt j'enviais jusqu'au sort du pâtre que je voyais réchauffer ses mains à l'humble feu de broussailles qu'il avait allumé au coin d'un bois. J'écoutais ses chants mélancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays, le chant naturel de l'homme est triste, lors même qu'il exprime le bonheur. Notre coeur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs.Le jour je m'égarais sur de grandes bruyères terminées par des forêts. Qu'il fallait peu de chose à ma rêverie: une feuille séchée que le vent chassait devant moi, une cabane dont la fumée s'élevait dans la cime dépouillée des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du nord sur le tronc d'un chêne, une roche écartée, un étang désert où le jonc flétri murmurait! Le clocher du hameau, s'élevant au loin dans la vallée, a souvent attiré mes regards; souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête. Je me figurais les bords ignorés, les climats lointains où ils se rendent; j'aurais voulu être sur leurs ailes. Un secret instinct me tourmentait; je sentais que je n'étais moi-même qu'un voyageur; mais une voix du ciel semblait me dire: «Homme, la saison de ta migration n'est pas encore venue; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton coeur demande.» Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d'une autre vie! Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme possédé par le démon de mon coeur.La nuit, lorsque l'aquilon ébranlait ma chaumière, que les pluies tombaient en torrent sur mon toit, qu'à travers ma fenêtre je voyais la lune sillonner les nuages amoncelés, comme un pâle vaisseau qui laboure les vagues, il me semblait que la vie redoublait au fond de mon coeur, que j'aurais eu la puissance de créer des mondes. Ah! si j'avais pu faire partager à une autre les transports que j'éprouvais! Ô Dieu! si tu m'avais donné une femme selon mes désirs; si, comme à notre premier père, tu m'eusses amené par la main une Ève tirée de moi-même... Beauté céleste, je me serais prosterné devant toi; puis, te prenant dans mes bras, j'aurais prié l'Éternel de te donner le reste de ma vie.Hélas! j'étais seul, seul sur la terre! Une langueur secrète s'emparait de mon corps. Ce dégoût de la vie que j'avais ressenti dès mon enfance, revenait avec une force nouvelle. Bientôt mon coeur ne fournit plus d'aliment à ma pensée, et je ne m'apercevais de mon existence que par un profond sentiment d'ennui.Je luttai quelque temps contre mon mal, mais avec indifférence et sans avoir la ferme résolution de le vaincre. Enfin, ne pouvant trouver de remède à cette étrange blessure de mon coeur, qui n'était nulle part et qui était partout, je résolus de quitter la vie.Prêtre du Très-Haut, qui m'entendez, pardonnez à un malheureux que le ciel avait presque privé de la raison. J'étais plein de religion, et je raisonnais en impie; mon c?ur aimait Dieu, et mon esprit le méconnaissait; ma conduite, mes discours, mes sentiments, mes pensées, n'étaient que contradiction, ténèbres, mensonges. Mais l'homme sait-il bien toujours ce qu'il veut, est-il toujours sûr de ce qu'il pense?Tout m'échappait à la fois, l'amitié, le monde, la retraite. J'avais essayé de tout, et tout m'avait été fatal. Repoussé par la société, abandonné d'Amélie, quand la solitude vint à me manquer, que me restait-il? C'était la dernière planche sur laquelle j 'avais espéré me sauver, et je la sentais encore s'enfoncer dans l'abîme!Décidé que j'étais à me débarrasser du poids de la vie, je résolus de mettre toute ma raison dans cet acte insensé. Rien ne me pressait; je ne fixai point le moment du départ, afin de savourer à longs traits les derniers moments de l'existence, et de recueillir toutes mes forces, à l'exemple d'un Ancien, pour sentir mon âme s'échapper. »

FRANÇOIS-RENÉ DE CHATEAUBRIAND, Génie du christianisme, Paris, Calmann Lévy, 1877
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19 juin 2007 2 19 /06 /juin /2007 03:34
L'Imaginaire fête ses 30 ans
chez Gallimard

(plus de 500 titres parus)


1987 - 2007 : 10 livres collectors
A l'occasion de son trentième anniversaire, les Editions Gallimard (re)publient dix titres dans la collection L'Imaginaire, chacun étant augmenté d'un CD ou d'un DVD, l'occasion de découvrir ou de redécouvrir des textes rares et intenses accompagnés de documents issus des archives de l'INA ou de films d'auteurs.

Collection CD:
  . Le piéton de Paris, Léon-Paul FARGUE
  . Nouveaux écrits de Rodez, Antonin ARTAUD
  . Feux, Marguerite YOURCENAR
  . Tous les feux le feu, Julio CORTÁZAR
  . Venises, Paul MORAND
  . L'après-midi de Monsieur Andesmas, Marguerite DURAS


Collection DVD:
  . Le festin nu, William S. BURROUGHS (film éponyme de David Cronenberg)
  . Un thé au Sahara, Paul BOWLES (film éponyme de Bernardo Bertolucci)
  . Manuscrit trouvé à Saragosse, Jean POTOCKI (film éponyme de Wojcieh J. Has)
Effi Briest, Theodor FONTANE (film éponyme de R.W. Fassbinder)

Quant à moi : je vous conseille d'acheter les 4 livres avec films
les prix sont très intéressants et c'est une bonne idée de cadeau
ça peut vous permettre de découvrir "le manuscrit trouvé à Saragosse" de Potocki
chef d'oeuvre de la littérature fantastique
nous reviendrons sur Potocki, une sorte de Nicolas Bouvier avant l'heure
et sur les circonstances étonnantes de son suicide
Le film qu'en a tiré W.J. Has est kitsch à souhait
certains critiques parlent du premier film "fellinien"
restauré par Scorcese, il était un des films préférés de L. Bunuel


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