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some words :

"Le poète est un archer qui tire dans le noir." - Salah Stétié -
"Soyez un écrivain mineur, cela vous rajeunira." 
Dominique Noguez

"Cette femme était si belle
Qu'elle me faisait peur."
 Guillaume Apollinaire

"In a place far away from anyone or anywhere, I drifted off for a moment." -- Haruki Murakami --


"Être poète n'est pas une ambition que j'ai. C'est ma façon à moi d'être seul."   -- Fernando Pessoa --

"Ca va tellement mal aujourd'hui que je vais écrire un poème. Je m'en fiche ; n'importe quel poème, ce poème." -- Richard Brautigan --

"J'écris à cause du feu dans ma tête et de la mort qu'il faut nier."
Jacques Bertin

"O mon passé d'enfance,
pantin qu'on m'a cassé."
Fernando Pessoa


« La mort c’est l’infini des plaines
et la vie la fuite des collines. »
Joseph Brodsky

Certaines choses

Nous entourent « et les voir

Equivaut à se connaître »

George Oppen



" LA GRANDE FORCE EST LE DESIR "
(Guillaume Apollinaire)



"Quand je dis « je », je désigne par là une chose absolument unique,
à ne pas confondre avec une autre."
Ugo Betti

"Le sens trop précis
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ta vague littérature"
Stéphane Mallarmé


" Je ne suis pas moi ni un autre

Je suis quelque chose d’intermédiaire :
Un pilier du pont d’ennui
qui s’étend de moi vers l’autre. "
Mario de Sa-Carneiro
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-- je vous souhaite un bon passage... --


"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr."  Nicolas Bouvier

« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure

" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux


écrivez moi si vous le souhaitez :    

Soyez indulgent, je ne suis qu'un petit écrivaillon tentant d'écrivasser

Mai 2008 : "L'apéritif de la neige"
est "paru"

Si vous êtes intéressé : laissez moi un message
(133 pages de poèmes et textes poétiques, pour la plupart ici sur mon blog)

"Le meilleur choix de poèmes est celui que l'on fait pour soi." Paul Eluard

"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen

______________________________________________

 

15 août 2008 5 15 /08 /août /2008 01:05
Aube


J'ai embrassé l'aube d'été.
Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombre ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. A la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
Au réveil il était midi.

_________________________________

Que dire de ce poème écrit à 19 ans
en prose ... et qui commence et finit par un octosyllabe… ?
Il vient d’ « Illuminations » le dernier recueil de Rimbaud ; « Illuminations » au sens d’enluminures (somptuosité de la couleur) mais aussi visions hallucinatoires.

Le jour se lève, le poète se promène …
Notion à la fois temporelle et prise de position sensuelle.
Le dernier vers arrive brutalement comme un échec.

    Rimbaud pousse un cri de victoire : il croit avoir saisi l’insaisissable : l’aube, la blancheur, pureté, luminosité, splendeur, éclat, richesses … C’est une féerie précieuse et pure, riche de sonorités puissantes. L’harmonie physique entre l’homme et la nature semble être là, avec le mythe des nymphes et la poursuite amoureuse qui s’en suit.
8 fois « je » sera employé ; passé composé, imparfait ensuite.
Une ville apparaît, flaques d’eau ; immobilité et ténèbres, l’aube n’est pas encore apparue ; les ombres semblent hostiles et fortes.
Le poète ne devient plus témoin, mais bien créateur : et c’est le réveil du poète qui peut être assimilé à un acte magique ; le réveil se fait avec le passé simple. Au début les sonorités sont étouffées, sourdes puis elles deviennent claires, sonores : c’est le début de l’éveil à la nature.
Pourquoi Rimbaud chasse la déesse à la fin ?
La poursuite serait infinie ? telle est peut-être cette signification ?
En agitant les bras, l’enfant devient coquasse, mais aussi prend une signification païenne, dionysiaque (au sens antique, mais aussi philosophique), l’ivresse vitale : orgies, danses… C’est une nymphe poursuivie par Pan. Séductrice dangereuse. Sexualité adolescente ?
Une signification à la fois érotique et religieuse. De même vocabulaire guerrier et valeur érotique très nette. La déesse c’est l’aube.
Contraste entre le mendiant et le marbre : pauvreté et recherche du don de l’aube, de son obtention ; encore une fois un parfait tableau symbolique.
Mais c’est une illusion de possession. Et la dernière strophe est ambiguë : les lauriers évoquent les victoires, la gigantesque déesse est attrapée par l’enfant, par un simple mortel.
L’enfant est le poète, le poète est l’enfant : la fin de la phrase montre un émerveillement : seul l’enfant peut transformer le réel. L’aube est alors une renaissance.
Le monde : conscience du poète ?
Il y a donc une valeur symbolique, une enluminure sensuelle mais douloureuse : la poursuite d’un rêve insaisissable et l’aube est l’émerveillement de l’enfance (qui ne survivra pas à la vieillesse). A aucun moment le soleil n’est cité dans ce poème.
Quand est arrivé le rêve ? où est l’état conscient ? cette duplicité est un des charmes de ce texte.
Art de ce genre de poème ? = sa discontinuité , la rencontre d’images et de poésies libérée. Hypnose ? prémisses du surréalisme ?
Rimbaud est définitivement un paganiste, à la recherche d’un idéal inaccessible.
Poème symboliste, lyrique, paganiste, surréaliste, et plus encore.

Il y a tout Rimbaud là-dedans
Rimbaud finissant son enfance, Rimbaud déçu de l’arrivée d’un âge « adulte ».

Rimbaud : un des premiers Peter Pan
Passant de l’autre côté (l’âge adulte), il s’éteindra dans des activités qui ne seront jamais siennes (comme gagner de l’argent, faire des affaires, quitter l’insouciance de la jeunesse…)
Où donc est le grand roman africain qu’il a quand même dû écrire dans sa tête ? ou rêver simplement ?
L’Aube un grand poème charnière vers la poésie moderne…
Arthur Rimbaud ? définitivement quelqu’un d’autre, tout autant l’enfant poète que l’adulte voyageur-géographe…
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14 août 2008 4 14 /08 /août /2008 01:03
Epaule, lieu particulier où le soleil luisait
Moitié ombre
Et l’autre très éclatant ou brille
Blanc argent, puis au brun foncé
Mes yeux fascinés par ces points étincelants
clignotants

Allongée sur la pierre chaude, les cheveux mouillés
Puis devenant très secs très chauds 
La raie de son dos
Son visage parfois frémit
Elle lève la tête
son buste lent (respiration)

Les yeux se posent puis se recouchent
Près de la nuque
Une sandale blanche
une fourmi noire
prennent la
pose

--------------------

Pourquoi lentement
Se déplissent les visages heureux
Le soleil sonne son éclat
Macadam sec
Où tes jambes de nylon
Massent mon sexe

J’aime ces corps
Affrontant libres le temps à venir
liberté

---------------------

Accuser le coup
Et tout se fait silence en toi
Sauf que ça bat ça cogne plus vite plus lourd

Tu détournes le visage vers la fenêtre
Elle se veut caresses
Mais toi tu rêves tu es déjà
Parti ailleurs, sombre tristesse
la chair est triste, hélas

----------------------

A travers
J’y marche
J’en lance des regards
Autour
Je me suis fait beau
coquelet apprêté


Je rêve à découvrir
Des femmes lumineuses
ou
Lucioles incroyables
Lumière engainée

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9 août 2008 6 09 /08 /août /2008 11:25
"Il faut de l'amour pour obtenir et accroître l'amour."
G. Arpino  


    J'ai lu avec plaisir "Parfum de femme" réédité récemment par 10/18. Beau livre de Giovanni Arpino. Le titre original est "Il buio e il miele", qu'on pourrait traduire par : "L'obscurité et le miel" ; titre bien plus percutant à mon humble avis.

    Giovanni Arpino est un bel écrivain, né en 1927, et qui a écrit dans tous les domaines : jeunesse, théâtre, poésies etc ...Il était journaliste. Il  a reçu de nombreux prix et est mort à 60 ans à Turin.

    Bien sûr en lisant "Parfum de femme", on ne peut pas oublier le visage à la fois grandiose et détestable de Vittorio Gassman, dans le film de Dino Risi en 1974 (prix d'interprétation pour V. Gassman). Ce qui gêne parfois la lecture. :-)
Ce petit roman se lit avec plaisir, très bien écrit, de nombreuses phrases poétiques, et plein d'énigmes qui restent à la fin sur ce que pourrait être la vie, ou l'amour, ou le suicide, ou l'intérêt de vivre, la mort...Un classique, dit-on, de l'autodérision.


dernière phrase du livre :
" Et l'espace blanc qui suit n'est pas encore la mort."
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8 août 2008 5 08 /08 /août /2008 19:00
mes rêves luttent contre des lumières
ainsi qu'un flot furieux
l'aurore

teinte mon nez de clown

s'étale la mer de vagues
et s'immobilise pendant ses larmes

là un marin imaginaire
gobe une mouette parfaite

et s'envole...

 
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3 août 2008 7 03 /08 /août /2008 10:21
" Où irais-je, si je pouvais aller, que serais-je, si je pouvais être, que dirais-je, si j'avais une voix, qui parle ainsi, se disant moi ? "
Samuel Beckett
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29 juillet 2008 2 29 /07 /juillet /2008 20:50
 
elle a des yeux tout plissés
yeux-amandiers
des mains étirées
doigts aux articulations multiples
elle a les ongles éclair
et le rire en chevet
la chevelure très claire
elle a le rire inversé
et le sexe dépaillé
les couleurs or en dedans
pour rafraichir son pastis
elle a des jambes de fée
diversement brunies
et ce buste austère
très petits seins dorés
elle a ce cul étroit
où le plaisir errance
et l'avenir meilleur
elle a la lèvre sèche
et la pulpe mitigée
elle a le temps aride
et l'encre déviergée
elle a le corps en liesse
et très parfumé
et son oreille de Pâques
fin fond du jour
elle a la musique aux hanches
et les hanches colorées
elle a mes mains dans son sexe
et son sexe étonné
elle a le vivre au ventre
et le ventre "délibéré"
elle a l'espoir de son corps
et son corps d'asphalte
elle rêve d'avenirs
elle veut devenir
et s'erreinte de dedans
elle a l'espoir algèbre
de me compter plusieurs
et l'arrogance aimable
des belles baiseuses
elle a le temps de voir
elle a la bouche des vents
et le cul en rosée
et la rosée fourmillante
elle a le gemme hâtif
des yeux qui crient
et le rêve en panier
pour des matins d'osier
elle a le cil d'albâtre
et les bras haut levés
la taille serrée contre
des entrailles chaudes
elle a la lymphe effervescente
et le sourire qui s'échappe
elle a le rêve en émoi
et en moi pour tout dire
elle a le coeur doublé
d'un panorama de souvenirs
elle a le temps de croire
le courage de vouloir y croire
elle a ses jambes roses
et son sexe noir
ses pieds de 23 cm
ce nombril de faience
et ces lèvres blanches
cette langue animée
et ces dents choquantes
ce lait réveillé
ce champagne moussu
ce sang arrosé
ce mollet élancé
ce genou à ma joue
ces cuisses balancées
ce joujou de 2 sous
ces 2 vases à l'entrée
ces fesses trop creusées
ce rein endurci
ce dos malaisé
cette épaule contrariée
ce cou dignement
ce menton bien buté
ces joues enfumées
son nez de carotte
son front débraillé
son cil qui s'ébat
cette tempe qui a soif
cette lèvre entrouverte
et sa langue échappante
son gosier assoiffé
son gosier agressé
son ventre percuté
son genou à ma joue
son ventre qui tangue
son genou à ma joue
mes mains à ses seins
temps irréel
où TROP COURBés
ses genoux à mes joues


"étreinte" , peinture remarquable d'Yvon Saillard

le site de ce peintre = yvon saillard
 

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21 juillet 2008 1 21 /07 /juillet /2008 19:01
    L’homme avec sa valise est perdu dans les méandres des portes entrouvertes ; déjà, des introductions de la mort (les longs corridors de Michaux) lui font de l’œil doucettement, avec sa valise, prisonnier de sa propre destinée, de son corps ; en découverte, en recherche de ses propres paysages, ou âme en partance vers l’enfance, une recherche, rien d’autre non pas vers mais en dedans comme en retrait, un repli, une position foetale…

    Un retour sans nul doute ; non pas un retour des signaux ou un geste vers soi-même, une communion, une nouvelle union, la partie infantile et la partie interne distante…
    Et plus ou moins cherche-t-il autre chose ? lumière et ombres ; il cherche sa mère bien sûr, il recherche une unicité maternelle ; opacité dans sa vie, dans la souffrance de sa naissance…

    L’homme ainsi tourne en rond dans une brume blanche la valise en main, vers une mer intérieure : de l’eau, de l’eau en de ça, en toi dirais-tu :
finalement, il préfère marcher au cas où, la valise en main :


même la marche en rond est supérieure à l’arrêt


Sculpture de Folon
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21 juillet 2008 1 21 /07 /juillet /2008 07:53
"La Rochelle"

à Kenneth White,


bleu n'empêche d'un coeur vole
parabole belle un flot pêcheur
myriades d'eau poses vagues folles
n'empêche reste feu tes yeux l'herbe-fleur
divins bleus ruisselants bain timide libertin
où cruel vent passage-rein la flaque vient
coeur qui flotte balotte piège fardeau
de blanc de sang mon aisance danse faux
coutelas bas et fier d'un spasme bien

bleu n'empêche d'un coeur long vole

pierres tristes poumons de craie consolent
nos yeux mariés de lilas de plâtre demain
nos yeux et d'or voltige vive qui fige
cet assassin de ballade ce baladin
ballot et roupille son vin fort vertige
demain loin il répond d'un ton badin
où nos yeux comiques monotone ton
monde blond sans ondes de fougue
où le mou mouille fouille laid le béton
nos coeurs de vin rouge aux vaines fougues

bleu n'empêche noirceur fade ô triste bégueule

veule il m'enfonce ce ponce rageur
ô monde sale sale sale qui nos vies meule
et sur le quai reste là pas gai moi voyageur
ô rêves de fées lèvres de fées rêve d'orfèvre
d'or de nuit dors ma douce parle à ton âme
allongé fièrement créé j'azure de fièvres
ta beauté comme ruisselle fiole de paix flamme
claire joliment bleus tes yeux
où bleu n'empêche d'un coeur viole
sombres les ombres visibles cible d'adieu
ô libre bleu et libre traduire ton corps alcool
          aux herbes de chênaie
          aux pailles de chair claire
          aux frissons d'eau de lait
          aux bulles gaies de bière
comme une plainte jadis éteinte
d'une blessure d'arc-en-ciel
il sommeille il dort il s'éveille
ce flot déteint qui feint nous ceindre
bruits d'archipel aux gouttes de sel
de ta couleur tu pêles cette peau
de mer écorce bleue que scelle
ta prunelle belle à mon coeur chaud

bleu cristal canal du peu pluie

triste goutte par goutte s'échappe sang
pour tisser loin l'écharpe du vent
les lunes des coteaux s'ennuient de suie
toutes noires ressemblent des seaux de nuages
et de colline en colline les mamelles des arbres
allaitent des enfances défaites plages sans âge

là parfois se crée un mot d'amour la joie se cabre

et le soleil gueuse misérablement son pain d'étoiles
d'absences stances grosses de silence lancent
au loin des regrets faux aux contours de danse
et près de pins immodestes sexués de liège de toile
d'erreurs de toiles de peau qui dételle son vin dentellé
séquelles d'un zèle passager bleu d'aube soleil tigré
cordons ponts de pluie places de glace siègent
en des endroits de rivières pierres fines
isolées détenues déridées un peu mousseuses beiges
au loin le soleil perlé ridicule désolé bruine

Bleue bleue était la mer au port de La Rochelle


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20 juillet 2008 7 20 /07 /juillet /2008 18:00
" C'était à la moitié du trajet de la vie ;
Je me trouvais au fond d'un bois sans éclaircie,
Comme le droit chemin était perdu pour moi."
Dante Alighieri
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19 juillet 2008 6 19 /07 /juillet /2008 00:19
Lire, feuilleter, de temps en temps "Citadelle" est une vraie expérience, tout n'est pas bon dans ce livre publié après la mort de son auteur, un peu trop de paternalisme à mon sens entre autres ; mais la magie de l'écriture, les méditations de l'auteur du petit prince, cette société qu'il voulait inventer ? ce désert omniprésent, ce puissant humanisme.
Les pages à venir m'ont toujours intrigué, tant sur le texte, que sur l'usage que fait Saint-Exupéry de la ponctuation. De la prose bien sûr, mais c'est un texte à lire à haute voix, comme la meilleure des poésies.


Extrait de "Citadelle" :


   










    Certes, j’ai moi aussi éprouvé, au cours de ma vie, la colère, l’amertume, la haine et la soif de vengeance. Au crépuscule des batailles perdues, comme des rebellions, chaque fois que je me suis découvert impuissant, et comme enfermé en moi-même, faute de pouvoir agir, selon ma volonté, sur mes troupes en vrac que ma parole n’atteignait plus, sur mes généraux séditieux qui s’inventaient des empereurs, sur les prophètes déments qui nouaient des grappes de fidèles en poings aveugles, j’ai connu alors la tentation de l’homme de colère.


    Mais tu veux corriger le passé. Tu inventes trop tard la décision heureuse. Tu recommences le pas qui t’eût sauvé, mais participe, puisque l’heure en est révolue, de la pourriture du rêve. Et certes, il est un général qui t’a conseillé selon ses calculs d’attaquer à l’ouest ; tu réinventes l’histoire. Tu escamotes le donneur de conseils. Tu attaques au nord. Autant chercher à t’ouvrir une route en soufflant contre le granit d’une montagne.
« Ah ! te dis-tu dans la corruption de ton songe, si tel n’avait point agi, si tel n’avait point parlé, si tel n’avait point dormi, si tel n’avait point cru ou refusé de croire, si tel avait été présent, si tel s’était trouvé ailleurs, alors je serais vainqueur ! »

    Mais ils te narguent d’être impossibles à les effacer, comme la tache de sang du remords. Et te vient le désir de les broyer dans les supplices, pour t’en défaire. Mais empilerais-tu sur eux toutes les meules de l’empire que tu n’empêcherais point qu’ils aient été.
    Faible es-tu, de même que lâche, si tu cours ainsi dans la vie à la poursuite de responsables, réinventant un passé révolu dans la pourriture de ton rêve. Et il se trouve que tu livreras, d’épuration en épuration, ton peuple entier au fossoyeur.

    (…) Car il n’est point de réfractaire. Il n’est point d’individu seul. Il n’est point d’homme qui se retranche véritablement. Plus naïfs sont ceux-là que les fabricants de mirlitonneries qui te mélangent, sous prétexte de poésie l’amour, le clair de lune, l’automne, les soupirs et la brise.
    « Je suis ombre, dit ton ombre, et je méprise la lumière. » Mais elle en vit.
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14 juillet 2008 1 14 /07 /juillet /2008 08:50


    Hier, conférence sur Grosz au centre culturel de T.

Assis, je regarde autour de mon corps, d'autres sont là ; un homme cause devant un petit bureau, les peintures se succèdent. J'assiste à l'art, ainsi, avachi, assis, quelque part : "en retrait". 

    A ma gauche et seulement séparée de moi par un fauteuil vide, une jeune femme. Ses jambes croisées avec excès m'envoutent, attirent mon regard. Les pieds aussi. Les extrémités sont ensorcelantes : pieds, mains. Un nylon gris clair habille son mollet. Une jupe assez longue rouge, rose et grise. Un gros pull à gros col gris bleu. Puis les cheveux bruns, bien courts, elle a une position droite, de bonne écolière - bien sûr.
    Il y a alors dans nos corps des incertitudes de position, elle bouge beaucoup comme si le fauteuil la blessait. J'entends avec une acuité maladive ses jambes se croiser et se décroiser ; elle les a très jolies et je perçois ce bruit aussi. Il fait bien sombre, c'est presque l'obscurité dans la salle, le rapprochement est immédiat, mes regards soutenus. Un grand silence aussi malgré les mots du conférencier. Son bassin remue lentement, elle tient ses mains serrées. Son corps semblerait parfait. Mon imagination démarre au quart de tour, des envies de corps nus, des îles à découvrir, des rires aux creux des sexes. C'est ma main - je la reconnais - qui déshabille. J'imagine une plage rousse où se languit l'eau brune. Mes impressions de longue vie, moi, amoureux aux poches vides. C'est le problème de MON existence, c'est un problème de définition.

    Je me dis que la "mise en mots" serait peut être là la définition de la vie.
Certes, il arrivait parfois que la joie réussissait à saisir mon corps et par tourbillonements successifs et irréguliers à le rendre vers le ciel, donc cette petite mort.
    Me vient à l'esprit : " un matin où le suicide a des attraits"... J'avais serré la pince à Jean-Roger Caussimon dans cette même salle. Ce grand bonhomme impressionnant. Ce roi des péniches. Il monte un vieil escalier sans doute à Paris, se retourne, une fille en robe descend, ses cheveux blonds sont longs. Il sourit de sa jeunesse.
 

    Ma voisine est très belle, trop pour mes inquiétudes ; c'est l'idée précise de ma solitude. Elle se tourne et me sourit, je ne suis pas assez discret. Ce sont des instants d'humanité et d'incompréhensions.
A l'ami Caussimon répondait l'ami Ferré : "une robe de cuir comme un fuseau .../... une fille qui tangue un air anglais.../..." .

    Son corps élastique et féminin dégageait des rayons fiévreux. Le crissement de ses jambes était comme grillons de psychanalyse. Etre amoureux, c'est simple : il suffit de regarder. J'avais le désir de toi dans ta forme féminine. Mes impressions de longue vie sont difficiles et disparates, mais il me faut pourtant les dire, simplement en voie de cicatrisation. C'est ainsi, le temps, la solitude, l'univers.
Cette plage de son corps à jamais inconnu. J'en rêve encore et je sens ma vie avec une puissance ferme.

    Puis arrêt sur cette image : conclusion du conférencier sur une peinture : l'homme est bon. Art politique. Expressionnisme politique ? de quoi longtemps méditer...
Mais d'abord : Mademoiselle, je vous invite à boire un verre de Muscat au père Bacchus ; vos yeux et vos cheveux me vont à ravir. Et votre silhouette élégante . Nous boirons à l'honneur de Léo, Jean-Roger et Georg.



dessins et peintures de Georg Grosz
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6 juillet 2008 7 06 /07 /juillet /2008 10:03
Le fantasme, pas le rêve

Rêver (bien ou mal) est insipide (quel ennui que celui des récits de rêve ). En revanche, le fantasme aide à passer n'importe quel temps de veille ou d'insomnie ; c'est un petit roman de poche que l'on transporte toujours avec soi et que l'on peut ouvrir partout sans que personne y voie rien, dans le train, au café, en attendant un rendez-vous. Le rêve me déplait parce que on y est tout entier absorbé : le rêve est monologique ; et le fantasme me plait parce qu'il reste concomitant à la conscience de la réalité (celle du lieu où je suis) ; ainsi se crée un espace double, déboité, échelonné, au sein duquel une voix (je ne saurais jamais dire laquelle, celle du café ou celle de la fable intérieure), comme dans la marche d'une fugue, se met en position d'indirect : quelque chose se tresse, c'est, sans plume ni papier, un début d'écriture.

/ Roland Barthes

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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 10:33

Magritte / "La clairvoyance"


j’avais des droits d’auteur sur toi qu’on dit incorporels
je m’en souciais
en errance ou en errements
les vapeurs du lit
une envie d’en finir
de s’endormir à jamais en boule
gentils hérissons soyeux
en chairs douces et parfumées
odeur de douche et de savon
un soupçon d’indéfini
incompressible incompréhension d’un toi d’un moi
de ce couple de deux ce perlimpinpin
dans le lit froid
ton corps chaud ton dos tes fesses
je suis venu me caler dans tes creux pour conjurer ce froid
tu dormais déjà
épuisée de tant d’images
un couple que nous formions
une éternité dans la lenteur du mouvement des corps
l’exhalaison des souffles
la lenteur du rythme costal
un type d’immobilité enfin et soudainement à réussir
réveils ou sommeils en feintes
une impression d’utilité
suis-je utile ?
désespéré et décalé
puis une éclaircie
en marge
enfin ma main comme un couvercle sur ton sexe
mon bras malhabilement immobile
terriblement la chambre est silencieuse
dans ma nuit sans sommeil
dans mes péroraisons
dans le limon de nos ennuis d’amour

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29 juin 2008 7 29 /06 /juin /2008 19:29
"L'enfer, Madame, c'est de ne pas aimer."
Georges Bernanos
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28 juin 2008 6 28 /06 /juin /2008 09:28
les tuiles romaines des grands toits rouges chauffent le ciel
de grandes volutes puissamment chaudes montent vers le ciel
d'un visage bleu celui ci se réjouit de ce bronzage
une tour d'église en érection près des toits profite aussi de cette réverbération
l'été est là le soleil tonne
ivre morte de lumière la ville sombre dans une sieste minérale

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