Certaines choses
Nous entourent « et les voir
Equivaut à se connaître »
George Oppen
"Mais rien de cette nature n'est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous
prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et
qui, paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr." Nicolas Bouvier
« La poésie vient vers nous, on ne sait d’où, et elle nous quitte, allant vers on ne sait quel au-delà. Mais en passant, elle nous laisse des mots et elle nous fait des signes dont l’interprétation est inépuisable. » Gabriel Bounoure
" Avec tes défauts. Pas de hâte. Ne va
pas à la légère les corriger. Qu'irais tu mettre à la place ? " Henri Michaux
"Savoir que nous ignorons tant de choses suffit à mon bonheur." George Oppen
"Ce n'est pas parce que je suis un vieux pommier, que je donne de vieilles pommes."
Felix Leclerc
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miroirs ô mes visions
cep du monde entrave triangle
sextant de toi à l'horizon
framboisé grain de café beauté
petite fraise à ma langue
ou rose papillon qui ne vole
oeillade en biais à tes seins parfumés
ton sexe fait là reposé
sans haine, ton grand jardin
tu poses tu t’exposes ton corps est rose
ton sexe fait là reposé
sans peine, une belle patine
tu poses tu t'exposes ton sexe est rose
A callarse
Ahora contaremos doce
y nos quedamos todos quietos.
Por una vez sobre la tierra
no hablemos en ningun idioma,
por un segundo detengamonos,
no movamos tanto los brazos.
Seria un minuto fragante,
sin prisa, sin locomotoras,
todos estariamos juntos
en una inquietud instantanea.
Los pescadores del mar frio
no harian danio a las ballenas
y el trabajador de la sal
miraria sus manos rotas.
Los que preparan guerras verdes,
guerras de gas, guerras de fuego,
victorias sin sobrevivientes,
se pondrian un traje puro
y andarian con sus hermanos
por la sombra, sin hacer nada.
No se confunda lo que quiero
con la inaccion definitiva:
la vida es solo lo que se hace,
no quiero nada con la muerte.
Si no pudimos ser unanimes
moviendo tanto nuestras vidas,
tal vez no hacer nada una vez,
tal vez un gran silencio pueda
interrumpir esta tristeza,
este no entendernos jamas
y amenazarnos con la muerte,
tal vez la tierra nos ensenie
cuando todo parece muerto
y luego todo estaba vivo.
Ahora contare hasta doce
y tu te callas y me voy.
Pablo Neruda
Extravagaria, 1958
Se taire
Maintenant, nous allons compter jusqu'à douze
et serons tous immobiles.
Pour une fois sur cette terre, ne parlons dans aucune langue,
arrêtons pour une seconde,
et ne gesticulons plus sans arrêt.
Nous passerions un instant exceptionnel,
sans agitation, sans bruit de machines,
nous serions tous ensemble
dans une soudaine inquiétude.
Les pêcheurs de mers froides
ne tueraient plus de baleines,
et le travailleur de sel
pourrait regarder ses mains abîmées.
Ceux qui préparent des guerres sur papier,
des guerres avec des armes à feu,
des victoires sans survivants,
se mettraient des habits propres
et ensemble avec leurs frères
marcheraient à l'ombre sans rien faire.
Ce que je souhaite, n'est pas à confondre
avec la passivité absolue.
C'est de la vie qu'il s'agit;
Je ne veux pas partir avec la mort.
Si nous n'avons pas pu être unanimes en bougeant sans cesse nos vies,
Peut-être ne rien faire,
peut-être un immense silence
briserait notre tristesse;
Cette tristesse qui exprime
notre incompréhension réciproque
et nos menaces de mort.
Peut-être la terre nous apprendra,
Quand tout semblait mort et qu'ensuite tout était vivant.
Maintenant, je compterai jusqu'à douze
et vous serez très silencieux,
et je m'en irai.
C'est la première année où je ne vais pas souhaiter une bonne fête à ma mère, elle attendait ce jour souvent avec intérêt, car le temps passant, les bons moments se faisaient plus rares et l'attention de ses fils aussi.
Mon grand-père avait des vignes, ma mère fut comme jean claude Pirotte, une enfant des champs et des raisins, à Villedieu sur Indre, elle racontait parfois les expéditions vers les vignes avec l'âne et le chien, de longues balades en bicyclette. Des morceaux de bonheur campagnard que les gamins d'aujourd'hui ignorent tous pour la plupart. Elle aimait aussi tout comme Pirotte, le vin et l'alchimie de cette boisson des dieux. Un de ses derniers plaisirs fut de boire un peu de bernache, ce jus de raisin fermenté qu'on boit en Touraine, j'ignorais alors qu'elle partirait si vite.
En lisant le très beau texte posthume "Le silence" de jean claude Pirotte, c'est évidemment à ma mère que je pensai. Nul doute que l'enfance de Pirotte et celle de ma mère ont connu les mêmes merveilles.
Bonne fête, maman !
Extrait du "silence" de Jean-Claude Pirotte, 2016.
"Et puis, nous sommes si proches d'un autre monde. Il suffit d'enfourcher nos bicyclettes et de grimper les lacets de Corcelles, par les matins clairs d'automne. Traverser le village où seule une vigne aligoté taillée haute nous distrait un instant du spectacle du mont Afrique, que nous contournons avant de plonger vers le village vertigineux de Velars, que baignent l'Ouche et le canal de Bourgogne. Nous avons emmené nos cannes bricolées et nos épuisettes, liées à la longueur du cadre, et tant pis si la pêche est interdite. Quelques chevesnes du canal nous attendent, non loin d'une maisonnette d'éclusier complice. Là aussi, les mariniers font halte, et les avalants se préparent pour l'escale à pied de la capitale des Ducs. Nous, les gamins, nous les regardons avec envie tenter de trémater finement une fausse goélette de touristes . Nous ne connaissons encore ni Jan, ni Mercedes, mais les visages boucanés des hommes à la manoeuvre nous intriguent. Ils nous hèlent parfois à grandes syllabes crues, à quoi nous répondons confus que le poisson ne mord pas, dans tous ces remous du traffic. Et nous les entendons longtemps rire et chanter. Leurs gamins à la poupe finement nous observent, et nous nous sentons bien maladroits et empruntés , avec nos épuisettes vides.
Parfois, comme un éclair d'argent, une truite égarée saute le sas de l'écluse, et nous poussons un cri de victoire, comme si elle démentait par sa présence la futilité de nos efforts d'apprentis pêcheurs du dimanche et de braconniers du canal.
Nous déballons alors, midi sonnant au clocher de Velars, nos tartines de hure et de saucisson, et l'un de nous tend aux autres le tonnelet miracle d'où l'âpre parfum de la piquette nous saisit et nous ravit. Quels hommes sommes-nous donc en train de devenir !"
petit bijou de lecture, ce petit livre kafkaïen est drôle à foisons, quoiqu'assez inquiétant ; c'est simple, c'est écrit divinement, sans fioritures, sans phrase en trop, un pur ravissement ; on lit cela avec la gourmandise au coin des yeux, et on sourit régulièrement, atteint du syndrome "lecture d'un bon livre"...
lire la critique très intéressante dans un dernier livre avant la fin du monde :
j’écrirais sur les talus, les buttes, les collines au vent
papillons dociles, mondes fragiles
j’aurais écrit sur mes maux, mes femmes dépaysées, mes mystères s’épaississant
écrivant tout au mieux, en moi-même, en fermant, en mentant
tu plairais aux sentes infusées, aux serpent des soleils, aux iris nains des cailloux
tu aurais plu à mes sueurs, des suints et ors, mes pastels, mes mots, mes croyances
plaisante, tu te serais tu
moi, mes fusains dorés, j’aurais peint sans lassitude tous tes corps tenaces
tu te méfierais des mots et des vals, des rayons ayant ri
abondamment
mes mots sucrés, mes mots d’amour, mes mots broyant nos souvenirs plaisants
tu te serais méfié finalement de tout
tout en moi que tu eus connu
je connaîtrais tes valeurs, tes pertes, illusions, tes espoirs et faire-valoir
j’aurais connu tes plaisirs cutanés, sursoyant nos écarts
déchéance de l’amour, de notre amour, gisant là dans la mousse fossile
j’aurais ouï tes plaintes
au soir couchant meurtri
puis danser sur la mort si proche telle une facule solaire
et faiblement et lointainement
t’aimer encore
et imparfaitement
Un beau documentaire d'une cinquantaine de minutes de Jorge Amat sur cet homme exceptionnel que fut Léo Ferré
Ce Léo qui continue encore et encore à me nourrir, à m'abreuver ; le documentaire parle très souvent du côté compositeur de l'artiste et c'est très juste ; mais je trouve que très souvent on n'insiste pas assez sur le poète génial qu'il fut, et encore moins sur ses talents de diction et de chanteur que je trouve - quant à moi - proprement hallucinants de justesse...
Léo, tu me manques...
cliquez ICI pour lancer la vidéo ou tout en bas...
Je pêchais seul par cette soirée alanguie d'automne.
Pêchais tandis que l'obscurité ne cessait de gagner.
J'éprouvais un chagrin exceptionnel et après
une joie exceptionnelle quand j'ai ramené un saumon d'argent
jusqu'au bateau, et plongé l'épuisette sous le poisson.
Coeur secret ! Quand je regardai dans l'eau mouvante
puis levai les yeux sur la ligne sombre des montagnes
derrière la ville, rien ne suggérait encore
que j'allais souffrir à ce point du désir
de revenir encore une fois, avant de mourir.
Loin de tout, et loin de moi-même.
Raymond Carver (in la vitesse foudroyante du passé)
Romain Gary
Pierre Soulages